samedi 21 décembre 2024

Deep learning : solutions prometteuses en phytopathologie

L’apprentissage profond ou le Deep Learning, sous-ensemble des technologies machine, fait
aujourd’hui ses preuves dans la détection des maladies des plantes.
A la base, le DL désigne les réseaux de neurones artificiels, inspirés du fonctionnement neuronal et
de l’architecture anatomique du cerveau humain sans pour autant les reproduire. Les modèles
connexionnistes sous-jacents permettent entre autres d’effectuer des tâches complexes sans être
explicitement programmés. Parmi les applications actuelles de DL en agriculture, on trouve
l’identification intelligente des pathologies végétales, devenues un enjeu de taille menaçant la
sécurité alimentaire dans le monde entier.

Selon les statistiques, le coût mondial annuel des maladies des plantes à cause des bactéries, des virus, des champignons ou des nématodes s’élève à 220 milliards de dollars.
La propagation rapide des organismes responsables de l’émergence de plusieurs maladies des plantes commence à préoccuper. Selon l’Inra (Institut national de la recherche agronomique),  en France, on compte aujourd’hui 20 introductions annuelles de nouvelles espèces d’insectes en Europe. Avant la seconde guerre mondiale, on ne dépassait pas deux arrivées chaque année.
Le réchauffement climatique favorise l’invasion et la migration progressive des organismes vers le nord. Les conditions des survies sont habituellement dépendantes des zones ayant un climat sec ou tempéré.
L’augmentation de l’export agricole mondial entraîne par conséquent la transmission rapide et parfois inaperçue des maladies. La nature changeante et évolutive de plusieurs espèces de bactéries, de virus, et d’insectes ainsi que la standardisation du mode de vie et de la manière de se nourrir figurent également parmi les facteurs amplifiant le phénomène. Dans leurs habitats d’origine, les plantes s’adaptent et cohabitent avec certaines catégories de ravageurs. Une fois transmis dans d’autres régions du monde à travers les chaînes de commerce de végétaux ou de semences, ils affectent directement les plantes auxquelles ils ne sont pas familiers.

Du fait des limites inhérentes à l’inspection humaine et manuelle des cultures et le travail de contrôle chronophage et imprécis que les paysans seraient obligés d’assurer, les modèles basés sur l’intelligence artificielle pourrait faciliter la catégorisation des maladies à un stade précoce. Cela permet de réduire éventuellement les pertes qui pourraient en résulter et assurer le rendement attendu.
Techniquement, les réseaux artificiels ont la capacité à traiter les datasets des images complexes, multidimensionnelles et volumineuses grâce aux réseaux artificiels multicouches. En effet, plusieurs modèles basés sur le Convolutional Neural Network ou CNN, étant le plus performant en classification des images en agriculture, ont été testés sur les pathologies touchant entre autres les tomates, le riz, et les raisins. L’automatisation du processus de diagnostic phytopathologique a été fait selon certains chercheurs avec un niveau de précision dépassant parfois 99%. En se référant aux différentes bases de données ouvertes comme PlantVillage ou Kaggle, d’autres modèles basés entre autres sur les algorithmes AlexNet, GoogleNet, DenseNet201, ResNet34 ; RestNet50 ou ResNet101, ont été appliqués à la classification des images des feuilles des plantes saines et malades.

Lors de la phase d’entraînement, après avoir été alimenté par des images en entrée, le CNN a l’atout d’apprendre, d’extraire et de hiérarchiser automatiquement les caractéristiques ou les features contrairement aux techniques classiques d’apprentissage supervisé à la base des algorithmes classiques d’extraction tel que SIFT ou Harris-Stephens. Comme output, une visualisation plus précise des maladies des plantes serait donc techniquement possible.
Actuellement, des drones équipés de caméras hyper-spectrales, boostés par la technologie de vision nocturne sont utilisés pour collecter des données à haute résolution sur les champs, et permettant une supervision continue de l’état de la récolte. Ce sont principalement des modèles DL déployés par la suite pour analyser ces données. Le progrès laisse donc envisager une identification plus rapide et efficace des signes de stress des plantes et des maladies potentielles.

Au-delà de ses apports prouvés, plusieurs contraintes rendent le déploiement de ces modèles encore plus difficiles. Des données parfois insuffisantes, l’interaction complexe entre la plante et son environnement entraînant une variété infinie de symptômes, de modèles gourmands en ressources figure parmi les obstacles majeurs. Face aux solutionnismes technologiques, il convient ainsi de contextualiser les problèmes du secteur agricole et rationaliser le recours aux technologies de l’IA. Afin de répondre indirectement aux besoins alimentaires croissants par l’automatisation généralisée, on risque d’avoir des attentes irréalistes à l’égard des « superpouvoirs » des algorithmes négligeant leur état actuel de maturité technologique. Les dégâts liés à l’empreinte carbone de la numérisation du secteur sont également à considérer.
De plus, et compte tenu de l’homogénéité croissante des systèmes alimentaires dans le monde, le recours à l’IA doit plutôt servir la diversité culinaire et préserver les cultures locales d’alimentation.
Le mouvement international « slow food » s’inscrit dans cette logique illustrant la tendance éco-gastronomique actuelle. Il est donc évident que la technologie qui n’est pas intrinsèquement destructrice devrait s’aligner avec une vision réaliste centrée sur le développement durable et la protection de l’environnement.

Ecrit par : Youssef Zaatour

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